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EHESS - XXIXe Conférence Marc-Bloch
«Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses»
La mort et la sculpture du vivant
"... pour la première fois dans l’histoire de la Conférence, nous accueillerons un savant venu non pas des sciences sociales, mais des sciences de la vie. Jean Claude Ameisen, médecin et biologiste, est l’auteur de La sculpture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice, il est l’un des grands spécialistes mondiaux de l’apoptose, ou mort cellulaire programmée. Ce moment sera l’occasion de marquer avec un éclat particulier notre souhait – également affirmé dans notre contrat quadriennal et lors de nos journées de rentrée, en novembre dernier – que l’École [l'EHESS] puisse constituer un lieu privilégié de l’interlocution entre les sciences humaines et sociales et les autres sciences. Interlocution, plutôt qu’interface : pour parvenir à construire une relation d’échange et d’interpellation réciproque, il est nécessaire de tenir à distance le rapport fasciné et paralysant que développent couramment les sciences sociales à l’égard du modèle d’objectivité qu’elles prêtent aux sciences dites "dures". Et il n’est pas moins nécessaire de résister, en même temps, à l’enfermement des sciences sociales dans la position ancillaire que ces mêmes sciences dures sont parfois portées à leur assigner, entre études d’impact et supplément d’âme éthique. Le dialogue passera notamment, grâce à Jean Claude Ameisen, par l’interrogation des représentations, et par la mise à jour des agencements et déplacements de langage qui commandent la construction et la reconstruction des objets dont traitent les sciences de la vie : l’origine et l’évolution du vivant, la frontière entre l’animé et l’inanimé, le lien – qui n’est pas de simple dégradation – entre le vieillissement et la jeunesse, etc. Faisant jouer des variations d’approche de plus en plus subtiles, le biologiste s’emploie à restituer, à travers les recompositions successives de ses objets, la complexité des rapports entre la vie et la mort, au-delà de l’antinomie tracée entre deux états exclusifs l’un de l’autre. Cette complexité s’inscrit – au cœur de la cellule aussi bien que dans la trajectoire lointaine de l’évolution – dans le pouvoir d’autodestruction qui lie indissociablement la vie à la mort. Le retour réflexif sur les logiques de ces variations de point de vue et de ces recompositions d’objets ouvre la question de l’émergence et de la transformation des concepts scientifiques : une question qui est, par excellence, le lieu de l’interpellation mutuelle des sciences humaines et sociales et des autres sciences."
Editorial de Danièle Hervieu-Léger, présidente de l'EHESS
In: La Lettre de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales n° 12, Avril 2007
12 juin 2007