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Darwin, une œuvre en évolution
En 2009, on célèbrera le bicentenaire de la naissance de Darwin. L'occasion de se plonger dans les nombreux ouvrages qui proposent une relecture du savant anglais.
« Darwin est un auteur que l'on cite, il est rarement un auteur que l'on lit », prévient le philosophe Patrick Tort, grand spécialiste du naturaliste britannique. Une méconnaissance qui a alimenté les controverses. Rejeté par les religieux fondamentalistes, il a aussi été critiqué par certains courants progressistes : ils ne lui ont pas pardonné d'avoir donné un argument fort au libéralisme le plus outrancier, la notion de «sélection naturelle» étant utilisée comme une justification de la survie des plus aptes et des plus forts. Avec l'Année Darwin, le débat continue et peut même devenir houleux.
Il y a quelques semaines paraissait ainsi le livre de l'historien des sciences André Pichot Aux origines des théories raciales. De la Bible à Darwin. Pour lui, rien ne justifie d'accoler le nom de Darwin à la théorie de l'évolution, déjà élaborée par le Français Jean-Baptiste de Lamarck. Reste au Britannique uniquement « la sélection naturelle ».
Et celle-ci aurait principalement été utilisée dans son sens social, notamment par le libéralisme de la deuxième moitié du XIXe siècle. André Pichot va même plus loin : il voit une continuité entre la « sélection naturelle » chère à Darwin, l'eugénisme et les théories racistes. « Pure méconnaissance de l'œuvre, interprétation simpliste et fausse », s'indigne Patrick Tort, qui met en avant dans L'Effet Darwin un « effet réversif de l'évolution ». Selon lui, la sélection naturelle privilégierait la meilleure civilisation. Celle-ci par un effet réversif sélectionnerait à son tour les sentiments les plus nobles chez l'homme, et s'opposerait à la tyrannie des plus forts. Ainsi, le droit et la morale seraient des émergences de la sélection naturelle.
Qu'en pensait le naturaliste lui-même, le voyageur du Beagle qui s'indigna du sort des esclaves ? Son Autobiographie reste muette sur l'utilisation de ses thèses. Mais grâce à sa réédition, qui fait la part des rajouts moralisateurs de sa femme des années plus tard, on découvre un scientifique humble et sincère auquel le biologiste Jean Claude Ameisen rend peut-être le plus bel hommage. Son dernier ouvrage, Dans la lumière et les ombres, pointe l'incroyable actualité de la démarche scientifique de Darwin, faite de déduction pas à pas et de logique. Sa conception de la complexité du vivant, propice à l'émergence de capacités inattendues, est finalement une idée d'aujourd'hui. Et les énigmes qu'il soulevait alors sont devenues des sujets de recherche que les biologistes n'ont pas fini d'explorer.
Extrait :
« ‘[...] de quelle manière les capacités mentales se sont développées à l'origine dans les organismes les plus simples est une interrogation aussi vaine que de se demander comment la vie elle-même est apparue à l'origine, écrivait Darwin dans La Généalogie de l'homme. Ce sont là des problèmes pour le futur distant, si tant est qu'ils soient jamais résolus par l'homme.’ Près d'un siècle et demi plus tard, ces problèmes sont devenus des sujets de recherche : comment la vie a-t-elle pu émerger de la matière ? comment la conscience les émotions et l'intersubjectivité ont-elles pu émerger à partir de réseaux de cellules nerveuses...? »
Dans la lumière et les ombres.
Aux origines des théories raciales. De la Bible à Darwin, André Pichot. Flammarion, 500 p., 28€ ;
L'Effet Darwin, Patrick Tort. Seuil, coll. «Science ouverte», 230 p., 18€ ;
L'Autobiographie, Charles Darwin. Seuil, coll. «Science ouverte, 240 p., 20€ ;
Dans la lumière et les ombres. Darwin et le bouleversement du monde, Jean Claude Ameisen, Fayard/Seuil 500 p., 23€.
Azar Khalatbar
1 décembre 2008